A ceux qui s'inquiètent de l'accès au pouvoir des frères musulmans en Egypte. Rappelez-vous ce pays musulman qui renversait son dictateur pro-occidental en 1979 pour instaurer une théocratie: l'Iran. Le régime aux mains sales de Mohammad Reza Chah Pahlavi était ainsi balayé par les "puristes", ces étudiants religieux et leur leader spirituel l'Ayatollah Khomeini. 33 ans plus tard le régime aux mains propres a fini par se salir les mains au pouvoir. Et entrainer à nouveau un vent de révolte dans les pays musulmans. L'être humain est ainsi fait. Quand un système génère plus de problèmes que de solutions, il en change. La théocratie ne fait pas exception à la règle. L'Egypte non plus.
Overdose d'opium du peuple
La nature ayant horreur du vide (voir la spirale dynamique), il est parfaitement logique que les frères musulmans, comme les ayatollahs en leur temps en Iran, succèdent aux dictateurs pro-occidentaux. Le système social sous la dictature c'est eux. Alors quand le temps du changement arrive, ce sont eux les mieux armés pour prendre le pouvoir. Fallait y réfléchir avant! Le seul hic, leur programme. Celui des fans de Dieu est en général toujours le même: désignation de Satan, l'ennemi extérieur. Puis instauration et promotion de LA vérité (au choix) shariah, torah, évangiles... Enfin guerre à l'ennemi intérieur : les moins religieux, les plus nuancés, ceux qui doutent, les récalcitrants, souvent désignés par le sobriquet traître. Bref des lendemains de révolution qui déchantent et désenchantent.
Révolution: solutions d'hier = problèmes d'aujourd'hui
Car le problème en théocratie c'est que Dieu vient rarement au travail et que ses résultats s'en ressentent : corruption, élites et clergés qui s'embourgeoisent et instaurent le règne du faites ce que je dis pas ce que je fais. En fait comme le disait Marx, la religion comme opium pour le peuple et pour les dealers l'argent, le pouvoir et le contrôle des esprits de leurs clients-drogués-fan(atique)s. C'est ainsi qu'en Iran, 30 ans après la révolution et plus un shah à l'horizon, les étudiants en colère d'hier sont devenus les bourgeois d'aujourd'hui. Toute ressemblance avec Mai 68 ne serait que pure coïncidence, ne me faîtes pas dire ce que je n'ai pas encore dit ;-).
A chaque génération sa révolution.
En 2009 la jeunesse iranienne nourrie d'Internet et assoiffée de liberté se rebiffe contre le vainqueur d'élections tronquées, le sanglant Ahmadinejad et ses copains Ayatollahs. Sans succès, la rébellion est écrasée par les gardiens de la révolution (un bel oxymore). Mais si l'establishment iranien a tenu bon (pour l'instant), les répliques de ce tremblement des consciences ont embrasé l'Egypte (et avant elle la Tunisie). Si c'est sans étonnement que les islamistes mieux organisés arrivent premiers aux élections de 2012, de l'eau a coulé sous les ponts. Exit les scores à la Saddam Hussein, Morsi en Egypte ne remporte que 51,73% des voix.
Et deux ans après la chute de Moubarak, la jeunesse égyptienne laïque est maintenant dans les rues pour empêcher le nouveau président de s'accorder tous les pouvoirs façon Khomeini. Entre les coups de bâton du grand père dictateur et la shariah des pères/frères musulmans, la génération Y égyptienne refuse qu'on lui confisque sa révolution.
Tuer le père (frère) musulman?
Place de la religion, morale, droit de l'homme, l'identité de la future Egypte se joue désormais entre conservateurs et progressistes. Entre une génération dans la force de l'âge nourrie d'Internet et une celle de l'Egypte islamiste conservatrice qui a raté sa révolution au moment de l'assassinat de Sadate. Entre un sursaut vers la liberté et la laïcité et le modèle Iranien en faillite. Une enième lutte de la modernité contre la tradition, rien de nouveau sous le soleil. Aux inquiets, quand bien même les islamistes l'emporteraient, à votre avis combien de temps les jeunes Egyptiens accepteraient-ils de nouvelles chaînes, eux qui viennent de briser les leurs?